Zelenka

Jan Dismas Zelenka, portrait baroque

On ne présente plus Vivaldi, mais le compositeur bohémien Zelenka (1679-1745), contemporain du Vénitien, a été oublié immédiatement après sa mort. Fort heureusement, l’heure est aujourd’hui à sa redécouverte qui redessine le portrait d’un auteur passionnant, et il faut des avocats motivés comme Michel Lefèvre et l’Ensemble Jubilate de Versailles pour faire valoir la force de ses œuvres.

Voici un portrait de Zelenka en 10 points d’histoire, à découvrir avant le concert du 20 avril 2023 à Notre-Dame.

1 – Admiré de tous, puis oublié de tous avant d’être redécouvert

Zelenka n’est pas le nom le plus connu parmi les compositeurs de l’époque baroque. Pourtant, son rayonnement était grand et il honore la brillante tradition musicale de la cour de Dresde pour laquelle il travaillera de nombreuses années, produisant pour elle des œuvres admirées de tous. Les compositions de ce maître baroque démontrent qu’il s’agissait d’un des plus grands compositeurs de son temps.

 

2 – Un père musicien, un enseignement religieux et artistique de qualité

Zelenka est le fils d’un organiste, chef de chœur et instituteur de Lounovice, sa ville natale à quelques kilomètres de Prague. Bercé de musique, ce catholique fervent part à Prague où il réalise toute sa formation musicale au collège Clementinum sous l’autorité des Jésuites. Il entreprend des études humanistes, suit des cours de latin et de grec, améliore ses connaissances en allemand et apprend l’italien.

3 – Un roi et un mécène influent pour protecteurs

A Prague, Zelenka joue en parallèle dans l’orchestre du comte Hartig, gouverneur impérial, qui le recommande à la cour de Dresde. Grâce à son influence, il est engagé à 30 ans comme contrebassiste dans le très célèbre orchestre de la cour, considéré à l’époque comme le meilleur au monde. Il devient musicien auprès d’Auguste II, électeur de Saxe et roi de Pologne, un protecteur des arts qui fait de sa capitale la «Florence sur l’Elbe ».

4 – Une vie et une création musicale intimement liées à la Maison des Habsbourg

Choyé par Auguste II, Zelenka sera ensuite particulièrement dévoué à Marie-Josèphe de Habsbourg, l’épouse d’Auguste III de Pologne, fils d’Auguste II. Un lien humain et spirituel s’érige au fil des années et la grande dévotion de l’archiduchesse d’Autriche aura pleinement influé sur son inspiration dans ses créations de musique sacrée.

5 – Une attirance indéniable par la musique vénitienne

Parallèlement à ses études au Clementinum, il fréquente Cernohorsky, maître dans l’art du contrepoint, fortement influencé par l’école de la polyphonie vénitienne. Au contact de ce grand musicien et pédagogue habile, il n’est pas étonnant que Zelenka demandera plus tard à partir travailler en Italie avec Antonio Lotti, un des derniers grands représentants de cette tradition vénitienne. A Dresde se croisent ainsi les deux styles majeurs d’Europe centrale, que Zelenka fusionne et sublime avec génie.

6 – Ami de Jean-Sébastien Bach et admiré de Telemann

A Dresde, Bach tenait la musique de Zelenka en haute estime et ne manquait pas de le faire savoir. Telemann et lui avaient été frappés par sa maitrise de l’écriture polyphonique et ses audaces harmoniques assez inhabituelles au début du XVIIIe siècle. On a pu écrire que, dans sa musique, la monumentalité propre à Bach s’accordait à merveille avec l’efficacité dramatique et dynamique du style italien, d’où son surnom de « Bach tchèque ».

7 – Zelenka et Vivaldi se sont (probablement) rencontrés

Les deux compositeurs sont nés à un an d’intervalle, 1678 pour Vivaldi à Venise et 1679 en Bohême pour Zelenka. Tous deux ont voyagé dans les villes d’Europe où les talents musicaux du XVIIIe siècle se retrouvent, mais se sont-ils rencontrés ?

En 1716-17 le Prince héritier Auguste II va à Venise dans le but de choisir des musiciens pour les cérémonies de son mariage. Il est accompagné du violoniste virtuose J.G. Pisendel et de Zelenka. Lors de ce séjour, Pisendel se perfectionne avec Vivaldi et Zelenka travaille avec Antonio Lotti. Il se peut que, pour cette raison, le Bohémien et le prêtre vénitien se soient rencontrés.

8 – Le Requiem ZWV 46 fut composé pour les funérailles d’Auguste II

Le 1er février 1733, Auguste II Le Fort meurt. Comme c’est le cas de la plupart des grandes étapes ponctuant la vie de tous souverains, les obsèques d’un roi recouvraient au XVIIIe siècle une ampleur nationale. Zelenka était alors à la direction de la musique des messes pour la cour catholique de Dresde. Il dut composer – dans un temps très court – l’ensemble des œuvres que recouvrent des obsèques royales, à savoir un office des ténèbres et un requiem.

9 – Vice-maître de Chapelle malheureux

Autour de 1725, il est nommé vice-maître de Chapelle de la musique sacrée, aux côtés de J.D.Heinichen, maître de Chapelle. Après la mort de ce dernier en 1729, Zelenka espérait lui succéder mais Auguste III lui préféra J.A. Hasse, compositeur d’opéras. Et ceci, malgré une requête auprès du roi accompagnée de 8 arias italiens pour obtenir le poste, en vain.

Un vent au parfum de bel canto souffle sur Dresde et l’intérêt pour la musique et les œuvres liturgiques de Zelenka commence à décliner. Un échec durement ressenti par Zelenka, qui devra se contenter du titre honorifique de Hofcompositeur, compositeur de la cour. Se retirant peu à peu dans la solitude, il reste compositeur d’église jusqu’à sa mort qui passera presque inaperçue.

10 – Un remarquable corpus laissé à la postérité

Zelenka a laissé plus de deux cents compositions, une création conséquente alors qu’aucun portrait du musicien ne soit parvenu jusqu’à nous. Ses 27 messes, dont quatre Requiem, constituent sans doute la clé de voûte de son remarquable corpus.

Ses œuvres composées en Saxe ont continué à être jouées uniquement à Dresde jusqu’à la mort d’Auguste III en 1763 puis elles sont regroupées, soigneusement archivées dans la bibliothèque royale et tombent dans l’oubli jusqu’à une époque récente. Le temps les avait occultées mais aujourd’hui elles reviennent de plus en plus souvent dans les salles de concert.